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489 – Le livre des chuchotements

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varujan

 

 

1 – Traduit du roumain, Le livre des chuchotements (Éditions des Syrtes, 2013) de Varujan Vosganian embrasse dans leur totalité les évènements du XXe siècle qui ont bouleversé le peuple arménien tant en Anatolie qu’en Roumanie. Mariant habilement chronique historique et récit familial sur le ton du conte pour restituer des « états de conscience », Le livre des chuchotements reste « plutôt un recueil de psaumes, car il parle surtout des vaincus ». En effet, l’auteur réussit à évoquer sur le mode d’un humour teinté de nostalgie et de compassion l’histoire d’un peuple poussé par la haine des hommes à la connaissance des gouffres.

 

2 – C’est pour se démarquer du Livre des lamentations de Grégoire de Narek, que Vosganian, né dans un siècle où « pour chaque larme versée coula autant de sang que pour un siècle de guerres jadis », choisit de parler des « pleurs étouffés » vers un Dieu qui ne semble plus disponible. Ce récit où la vie des uns s’imbrique dans la vie des autres, où le conteur se raconte à travers les siens tandis que la matière de son livre se transforme « en une réalité qui se multiplie elle-même », ne serait que chaos de faits et de souvenirs si l’auteur ne suivait le filigrane d’énigmes obsessionnelles : le caveau vide de Seferian, le cheval de bois de Missak Torlakian, les armes cachées de Dro ou la déesse Némésis.

 

3 – Chronique en douze chapitres « de choses témoignées », le livre se développe à partir des figures centrales des grands-pères Setrak Melikian et surtout Garabet Vosganian, qui permettront le déroulement de l’histoire sans fin des Arméniens. Suit une galerie de portraits singuliers : Minas l’aveugle, Anton Merzian l’interrogateur, le bon monsieur Bougepazian, le commandant Onik Tokatlian, le communiste Messia, eshek Simon, Hartin Fringuian et son testament, et tant d’autres vivant à Focşani. A ces histoires dans l’histoire, Vosganian ajoute celles de Mikaël Noradounguian, « le mage des cartes », de Levon Zohrab, leur gardien, du justicier Missak Torlakian qui assassina Bekhboud Khan Djivanshir et surtout de Drastamat Kanayan, dit général Dro.

 

4 – Soucieux d’inscrire ses personnages dans l’ère tragique des Arméniens, Varujan Vosganian va jalonner son récit de ses catastrophes les plus marquantes : les massacres de 1894-1895, la prise de la Banque ottomane, les sept cercles de la déportation (Mamoura, Islahiye, Bab, Meskene, Dipsi, Rakka, Deir-ez-Zor), l’assassinat de Talaat par Solomon Tehlirian, le rapatriement des Arméniens sur le Rossia au milieu des années 40, la répression bolchévique ou l’utopique Légion arménienne levée par le général Dro. Sans oublier les trahisons des uns, les générosités des autres, leurs actes de bravoure ou leurs rêves. « Les Arméniens de mon enfance vivaient plus dans les photos que parmi les hommes », écrira-t-il.

 

5 – Dépourvu de personnages imaginaires, comme si son auteur, à la manière de son grand-père Setrak, « entretenait une conversation avec son propre sang », Le Livre des chuchotements fait des va-et-vient constants entre le réel et l’invisible, le témoignage et la légende, la blessure et le souvenir de la blessure. Comme un film composé de flashbacks, de ruptures, de fondus enchainés, le roman cherche à rendre par l’accumulation, couche sur couche, des faits et des personnages, des lieux et des époques, le flux et le reflux des mémoires personnelle de l’auteur et collective du peuple arménien.


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